“Nous nous sommes inspirés des essais de la station”
Jean-Olivier et Jocelyn Chevalier, producteurs à Romans-sur-Isère, dans la Drôme, ont su tirer parti de deux structures pour s'installer : la station d'expérimentation Ratho et ses résultats d'essais, et le lycée horticole Terre d'horizon avec sa pépinière d'entreprises.
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BTS horticole en poche complété par une spécialisation en gestion et quelques années d'expérience en jardinerie, Jean-Olivier Chevalier s'est installé en 2005 à Romans-sur-Isère (26). Trois ans plus tard, son frère Jocelyn l'a rejoint après cinq années d'études à l'Isara-Lyon « pour avoir une vision large du secteur, toutes filières confondues ».
Avant de s'installer, Jean-Olivier a intégré la pépinière d'entreprises au lycée horticole de Romans-sur-Isère. « Grâce à cet appui, j'ai pu forger mon projet, explique le jeune producteur. La pépinière d'entreprise a permis de valider l'itinéraire de production, de créer un premier réseau commercial et un stock de vente, de fournir un argument pour discuter avec les banques. » Cette solution, qui n'est plus proposée actuellement, équivalait à une avance de trésorerie par le lycée. Il effectuait les achats nécessaires à l'entreprise et lui louait ses moyens de production (tunnels...), et les frais étaient déduits des résultats des ventes. « Au final, la somme qu'il nous restait à rembourser au lycée correspondait à la DJA (Dotation jeune agriculteur) reçue. »
Pour débuter, Jean-Olivier Chevalier a installé 3 000 m² de multichapelle sur 9 000 m² de surface sur la zone horticole Les Teppes. « Le lycée a été déterminant, mais aussi le GIE Savoie Dauphiné Horticulture, car j'ai bénéficié des conseils des techniciens. » La rencontre avec Serge Lepage, directeur du Ratho, se produit en 2003. La station d'expérimentation, à laquelle adhère le pépiniériste, avait travaillé sur une gamme de lauriers-roses adaptés à la potée fleurie et créé la marque Fleur de Tarentelle. Cette expérimentation lui a servi de base pour sa création d'entreprise. « Quand je travaillais en jardinerie, j'ai senti qu'il y avait quelque chose à faire dans ce sens : les achats en rayon pépinière étaient largement déclenchés par la plante fleurie, c'étaient des achats d'impulsion du type marché aux fleurs. »
Avec le soutien de Serge Lepage, qui a suivi le projet en 2004 et fourni des boutures, l'entreprise a d'abord travaillé une gamme de Nerium, Lagerstroemia, Lantana, et Salvia en pot de diamètre 15 pour les jardineries et Lisa (libre service agricole). Depuis, les deux frères ont modifié leur stratégie. « Nous restons sur de la pépinière fleurie pour Nerium, Lagerstroemia, rosier et hortensia (essais Ratho). Nous proposons des produits primeurs (ventes début mars en pot de 2 l, 4 l, 7,5 l et 15 l, jusqu'à l'automne) et nous travaillons plus notre gamme, en sélectionnant les variétés majoritairement sur la rusticité. » La société se positionne par exemple entre le marché aux fleurs et le rayon pépinière, en offrant un hortensia primeur fleuri pour la fête des Mères cultivé à froid. À la Toussaint, elle produit du cyclamen pour les grossistes.
Jocelyn Chevalier est lui aussi passé en pépinière d'entreprise en 2007 au lycée horticole de Romans-sur-Isère. Il a effectué son mémoire de fin d'étude sur l'avenir de l'entreprise à moyen et long termes, et sur l'innovation produit : la diversification de la production par les plantes vivaces en potées fleuries : « À la suite de quoi, nous avons élargi considérablement notre gamme. » Les deux frères proposent ainsi plus de 200 variétés de vivaces uniquement en potée fleurie de 1 l à 7,5 l. « Le Ratho fait de nombreux essais sur ce sujet et nous reprenons quelques petites perles. » Les deux frères se veulent force de propositions auprès des acheteurs. Ils travaillent exclusivement sur le disponible, faxé à la semaine aux clients. « C'est du “fleuri”, du coup, il faut être extrêmement réactif », souligne Jean-Olivier. « Ce type de ventes ne se conçoit que dans une dynamique locale : en Rhône-Alpes. Nous livrons nous-mêmes (avec un camion loué du mois de mars à celui d'août). Nous ne sommes pas le 20/80 de notre client. Nous essayons d'être la “touche épicée” qui sort de l'offre globale, en proposant des produits de niche. Il faut tout le temps être à l'affût de choses nouvelles. »
« Nous voudrions diversifier nos circuits de commercialisation, avec de la vente au détail et les foires, voire de la vente par correspondance, pour ne pas mettre “tous les oeufs dans le même panier” », précise Jocelyn Chevalier. Première étape, l'installation de mini-jardins carrés - encore inspirés du Ratho ! - en démonstration pour la vente au détail à l'entrée de leur établissement. « Nous sommes à une phase charnière de notre développement : soit augmenter la taille de la structure et embaucher, et manager plutôt que produire ; soit conserver la taille actuelle et chercher à travailler sur nos marges. » Les frères Chevalier ont choisi d'opter pour cette deuxième solution.
« Concernant la diversification en production, nous voudrions élaborer une gamme d'arbustes à fleurs complémentaires au laurier-rose pour la vente en potées fleuries. L'idée, c'est de travailler l'arbuste à fleur comme la vivace, du 2 l au 4 l. C'est un concept "d'horticulturalisation" des produits de pépinière. Nous avons un stagiaire (BTS) qui travaille sur le sujet (créer la gamme, trouver le fournisseur de jeunes plants, les travailler...). Nous démarrons dès cette année cette gamme. »
Les deux frères ont d'autres axes de développement en tête, notamment mécaniser la production (tapis roulants...) pour diminuer la pénibilité du travail et augmenter le chiffre d'affaires au mètre carré, qui « n'est pas encore satisfaisant ». Concernant le chauffage, ils sont intéressés par la serre bioclimatique, en cours d'expérimentation au Ratho (voir le Lien horticole n° 856 « Garder la serre hors gel et la chauffer grâce aux énergies renouvelables », pages 10 et 11). « Actuellement, nous chauffons le moins possible. Nous maintenons deux climats différents avec l'ordinateur climatique : tout en hors gel pendant l'hiver à 3 °C ; en février, mars, avril, 1 000 m² de tablettes chauffés à 12 °C (démarrage des annuelles) et le reste en hors gel. Dès que la température nocturne approche 12 °C, nous passons à un seul climat. » Jean-Olivier et Jocelyn Chevalier envisagent de mettre des bidons accumulateurs de chaleur dans la zone chaude sous les tablettes. Autre zone à travailler : un décrochement de la serre (imposé par le règlement foncier en lien avec la proximité de la route) mal chauffé. Pour homogénéiser le chauffage, diverses solutions sont possibles : placer un mur capteur côté nord, isoler les portes, brasser l'air... Deuxième axe d'étude : mettre en hors gel le hall technique pour y aménager des bureaux en y installant un mur trombe en moellon rempli de sable positionné en façade sud du hall : il s'échaufferait la journée et restituerait la chaleur la nuit.
« Nous avons toujours le souci de la simplicité, sans grosses technologies qui figeraient l'exploitation sur une stratégie, avec des solutions adaptables. Nous voulons rester mobiles, pour pouvoir changer de fusil d'épaule », explique Jean-Olivier. « Nous avons fait le choix de cycles longs (supérieurs à un an) et de modes de culture extensif. Du coup, le coût de chauffage est acceptable. Mais le chiffre d'affaires au mètre carré reste à améliorer. Nous sommes optimistes, mais nous restons sages sur la gestion d'entreprise : les bonnes années, nous mettons de côté pour les coups durs... »
Valérie Vidril
Pour cultiver ces sauges en gros litrage, les expérimentations menées par le Ratho ont servi de guide aux frères Chevalier. PHOTO : HORTIPEP
La serre sert de catalyseur de climat pour produire des plantes primeurs, mais non forcées. PHOTO : VALÉRIE VIDRIL
Dans la zone chaude, des tablettes sont réservées aux annuelles. Un objectif est d'améliorer les résultats techniques en février-mars-avril en plaçant des bidons noirs sous les tablettes pour absorber la chaleur la journée et la restituer la nuit (essais du Ratho en cours). PHOTO : VALÉRIE VIDRIL
Parmi les futurs axes de développement : le hall de travail en polycarbonate alvéolaire et toiture gonflable non chauffé à placer en hors gel. PHOTO : VALÉRIE VIDRIL
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